Les Tueurs de la Nuit
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Les Tueurs de la Nuit

Les Créatures de L'Obscure Imaginaire
 
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 Armand

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Armand

Armand


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MessageSujet: Armand   Armand Icon_minitimeJeu 12 Juil - 20:18

C’était par une belle nuit de pleine lune, une de ces nuits qui semblent devoir durer éternellement. Comme cela arrive parfois au début de l’automne, l’astre de la nuit avait revêtu un doux voile roux. La forêt était baignée d’une lueur irréelle, les feuilles mouillées de rosée scintillaient de mille éclats dans la pénombre, comme autant d’étoiles brodées sur le manteau de la nuit. Les troncs humides luisaient doucement et une brume évanescente flottait au dessus du sol, recouvrant les roches sombres d’un linceul argenté.
Un étrange silence régnait dans ces sous-bois, à peine troublé par le murmure du vent dans les feuillages, la mélodie de la cascade toute proche et les grincements des arbres centenaires. Par moment, un hibou troublait le repos de la forêt, un animal furtif s’enfuyait dans les fourrés. Puis la chape de silence retombait, assourdissante.
Mais ce fut un chant qui me fit retrouver mes esprits, le chant d’un loup. Ou plutôt le hurlement d’un loup car à cet instant il ne m’inspira qu’une terreur irraisonnée. Aussitôt la meute reprit en chœur l’étrange mélopée. Malgré moi, je frissonnai.
Je me trouvai étendu sur le sol, sur les feuilles mortes humides. J’étais seul. Lentement mes yeux s’accoutumèrent à la pénombre, je devinai les troncs grimaçants, les branches qui semblaient vouloir me piéger dans leurs serres. Au loin, un feu de Saint-Elme brilla un instant avant que son éclat ne s’évapore laissant l’obscurité encore plus dure.
Petit à petit, mes souvenirs me revinrent par lambeaux. Je revis mon père le Marquis de Valencourt ordonner aux écuyers de sceller les chevaux, les paysans, attroupés devant le manoir, vociférant et brandissant leur faux avec ardeur. A la fenêtre, ma sœur me regardait apprêter ma monture. Je ne pouvais oublier son regard brûlant, ses yeux qui me disaient d’être prudent tout en reflétant une inquiétude viscérale. Des yeux qui avaient deviné inconsciemment que je ne reviendrais jamais. Mais à cet instant, je ne craignais rien. J’étais comme tous les petits nobliaux de province, confiance en ma bonne fortune, insouciant et fougueux. La Mort ne s’occupait que des gueux, des moribonds et des vieillards, elle n’a que faire des jeunes seigneurs. Si j’avais pu deviner à ce moment-là qu’il vaut mieux parfois être mort…
Mon père haranguait la foule de nos gens, caracolant sur son destrier, les encourageant à se battre. Ils clamaient son nom et celui du Seigneur en agitant leur arme. En retrait, le prêtre priait et nous bénissait. Nous allions pourchasser la meute de Satan.
J’étais le septième enfant du Marquis, celui à qui le sort ne promet rien, à peine un lopin de terre et une poignée de serfs. Je n’étais pas destiné au titre de ma famille. Cependant le destin en avait voulu autrement. L’aîné avait perdu sa jambe lors d’une bataille et la gangrène s’y était installée, de plus un mal étrange le tourmentait et le contraignait à garder le lit en crachant sa bile. Il ne passerait sans doute pas l’hiver qui promettait d’être rude. Mon autre frère, de faible constitution, avait péris tout jeune de la grande famine qui avait ébranlé le royaume il y avait de cela quelques années. Ma mère avait également perdu trois de ses enfants en couche. J’étais donc le seul descendant male de la famille capable de porter le titre et de succéder à mon père, le destin avait fait de moi l’héritier. De ce fait, c’était à moi de protéger nos terres et de garantir la sécurité de nos gens. Lorsque des paysans vinrent à nous se plaindre de l’arrivée d’une meute de loups dans le domaine, qui égorgeait le bétail et terrifiait leur femme et leurs enfants, il était de notre devoir de les débarrasser de ces bêtes. Le prêtre y vit un signe du Malin, le Démon réclamait son dû, mais Dieu était à nos côtés pour sauver nos âmes. Nous devions anéantir la meute afin de faire régner la main du Seigneur dans nos contrées.
Pour ma part, je n’étais pas un enfant ou un paysan ignare à qui on en conte. L’été avait été sec et l’hiver s’annonçait glacial. Les bêtes le savaient. Elles étaient descendues des hauteurs afin de se nourrir et nos élevages étaient pour elles une aubaine. Mais le pouvoir de mon père reposait sur celui de Dieu, et convaincre les paysans de sa puissance ne pouvait qu’asseoir son autorité.
Nous partîmes ainsi par cet après-midi d’automne et nous engouffrâmes dans la forêt afin de chasser les loups. L’air était doux mais le vent soufflait fort et énervait nos montures. De gros nuages noirs s’amoncelaient à l’horizon, laissant craindre un violent orage. Les paysans se dispersèrent, certains criaient pour rabattre le gibier vers leurs camarades. Mon père fila vers le nord tandis que je me dirigeais vers l’ouest. Les autres seigneurs qui nous accompagnaient s’éloignèrent par petits groupes. De temps à autres, un coup de feu retentissait, suivit des cris stridents des corbeaux qui s’envolaient, effrayés.
C’est alors que je l’aperçu, surgissant de nulle part, un magnifique loup argenté me barra la route. Il s’immobilisa et me fixa de ses yeux jaunes. Une lueur d’intelligence brillait au fond de ses pupilles et me troubla. Je chassai ces pensées impies de mon esprit. Ce n’était qu’une bête. Le loup me narguait du haut de son talus. J’épaulais mon fusil et le mis en joue. L’animal pencha la tête tout en me considérant fixement. Je tirai. Vif comme l’éclair, le loup fit un bond de côté. Une estafilade écarlate apparue sur son flanc, le liquide pourpre gouttait sur son pelage soyeux. Agilement, le loup disparu derrière les rochers, j’éperonnai ma monture et la suivit au galop. Je ne devinais de lui qu’un éclair argenté entre les feuillages. Il était rapide et rusé, se mouvant entre les arbres et les branches basses qui ralentissaient ma progression. Bientôt, je n’entendis plus les cris des paysans ni les détonations des fusils. Je m’enfonçais de plus en plus profondément dans la forêt. Mais je n’en avais cure, il fallait que j’abatte ce loup, pour l’honneur de ma lignée et prouver à mon père que j’étais digne de son sang. Je ne retournerai au château qu’avec la dépouille de cet animal.
Brusquement, je débouchai dans une clairière. Le loup s’était immobilisé et semblait m’attendre. Mon cheval s’agitait, je regardai autour de moi, inquiet de ce qui pouvait le troubler ainsi. Avant que je ne puisse esquisser un geste, un gigantesque loup noir bondir d’un fourré et me sauta à la gorge. Par un réflexe salvateur, je parvins à lui coincer le canon de mon fusil en travers de la mâchoire. Ce monstre pesait de tout son poids sur moi, m’interdisant tout mouvement. Je sentais contre moi son pelage doux et l’empoignais à pleine main. Ma monture, surprise par le poids de nos deux corps luttant, cherchait à nous désarçonner. Il hennit furieusement, se débattant, ruant dans tous les sens. Je ne vis que trop tard que deux autres loups tentaient de lui déchirer le poitrail et les jambes. Rassemblant toutes mes forces, je réussis à rejeter au loin mon assaillant. Je sortis mon épée de son fourreau et chargea le loup le plus proche. Ma lame lui balafra le museau. Je le frappais derechef, lui broyant presque la mâchoire. Un autre me surpris par derrière, je refermai ma main sur sa gorge et tentait d’éloigner ses crocs effilés de mon visage. Du coin de l’œil, je vis le loup noir qui s’apprêtait à bondir sur moi. Déjà aux prises avec l’autre loup, je ne voyais aucune échappatoire. Dès que je sentis le souffle putride du monstre près de moi, je lui envoyai un coup d’épaule, plus pour me protéger que dans l’espoir de le blesser. A ce moment là, les pattes de ma monture, à moitiés dévorées, cédèrent sous le poids. Je roulai dans les feuilles mortes et me cognai à un rocher. Je luttai pour ne pas perdre connaissance, ce qui signifierait ma mort, concentrant mon esprit sur les râles d’agonie de mon cheval. Le paysage cessait peu à peu de tourbillonner autour de moi. Les couleurs se fondaient entre elles et éclataient en des gerbes d’étincelles. Je réussis à distinguer les formes mouvantes des loups qui avaient ouvert le ventre de ma monture et en arrachaient des lambeaux de chairs. Les intestins et l’estomac crevé se répandaient sur le tapis de feuilles mortes. Je vis avec effarements mon cheval lever péniblement la tête vers moi et me fixer de ses yeux vides tandis que les loups le dévoraient vif.
Mon esprit tout entier me hurla de me lever et d’agir, ignorant le sang qui dégoulinait le long de ma tempe. Je refusai avec une volonté farouche de finir ainsi. Une envie de vivre irrépressible me pris, je refusais de mourir, je refusais de n’être qu’un repas, un tas de viande sans conscience ni passé. Quoiqu’il arrive, je ne mourais pas ! Je resterai en vie, dussé-je me damner pour cela !
Déjà, le grand loup noir détournait la tête vers moi, me fixant de ses yeux fous. Du sang maculait son museau et dégoulinait sur son poitrail. Lentement, il se dirigea vers moi. Les autres relevèrent la tête et, se détournant de leur festin, commencèrent à m’encercler avec une parfaite organisation, celle là même dont ils avaient fait preuve pour me tendre ce piège et me prendre en embuscade. Devenais-je fou ? Ce n’étaient que des animaux !
Je me relevai péniblement et me campai sur mes pieds. Brandissant mon épée, je me tenais prêt, les muscles bandés, parés pour l’effort. Sans prévenir, un loup bondit, je lui plantai ma lame jusqu'à la garde dans le flanc. Aussitôt deux autres m’attaquèrent sur les côtés. Dégageant tant bien que mal ma lame du corps gesticulant de ma victime, je parvins à trancher la gorge de l’un de mes assaillants, un jet chaud m’aspergea le visage. L’autre fit claquer ses crocs à quelques centimètres de mon visage. Je levai le bras pour me protéger. Je sentis ses crocs s’enfoncer dans ma peau, lacérant ma chair. Le loup blessé s’était écarté pour aller se vider de son sang plus loin, cédant la place à un autre. Des pattes se posèrent sur ma poitrine, à l’aveuglette, je donnai un coup de botte devant moi. Le contact d’un corps mou, un gémissement plaintif accompagné d’un craquement d’os m’indiquèrent que j’avais visé juste. Le loup s’effondra devant moi, d’un autre coup de pied, je lui enfonçai la cage thoracique, ses côtes cédèrent avec un grincement sinistre, lui perforant les poumons.
J’enfonçai mon épée dans le flanc du loup qui menaçait de m’arracher le bras. Loin de relâcher sa prise, il resserra son étreinte, me broyant l’avant-bras. En cherchant à se dégager, il m’ouvrit plus profondément la chair. Nous roulâmes ensemble sur le sol, je tentai de m’emparer de mon épée qui lui était resté dans le corps pour l’achever tandis que lui essayait de me plaquer au sol pour pouvoir m’arracher le bras. Soudain, je sentis la crosse de mon fusil derrière ma nuque, de mon bras valide, je m’en empara et lui enfonça le canon dans l’oreille. La détonation me vrilla les tympans, sous le choc, ses crocs me déchiquetèrent le bras. Même mort, le loup ne lâchait pas sa prise et je dus lui déboîter la mâchoire pour parvenir à me libérer. Sans me laisser aucun répit, le loup noir me percuta dans le dos, me projetant à terre. Je réalisai alors qu’il était seul, les autres gisaient morts ou agonisaient plus loin. Mon bras m’élançait atrocement. Le sang m’aveuglait et j’en avais moi-même tant perdu que la tête me tournait. Je pouvais m’écrouler à tout moment. Mais de nouveau, à force de volonté, je puisai dans mes dernières réserves d’énergie. Je ne devais pas flancher avant d’avoir abattu ce démon. Nous nous observâmes longuement, essayant d’anticiper les actions de l’autre. Mes jambes menaçaient de me lâcher, ce monstre attendait que je faiblisse. Je refusai de lui faire se plaisir. Je me jetai sur lui en hurlant malgré ma fatigue et ma souffrance et m’accrochait à son cou. Assis à cheval sur son dos, je pouvais éviter la plupart de ses attaques. La bête se contorsionnait pour me mordre sans y parvenir. Il se redressa sur ses pattes arrières et se laissa tomber sur le dos. Je tins bon, mais, écrasé par le poids du loup, je ne parvenais plus à respirer. Je me démenais pour le dégager de ma poitrine tandis qu’il tentait de se retourner. Ses griffes me labourèrent la joue, évitant de peu mon œil. Le loup se laissa rouler sur le côté et écrasa mon bras blessé. Je lâchai prise. Ses yeux rouges brillaient à quelques centimètres de mon visage, je sentais son souffle chaud. J’étais perdu, j’allais mourir.
Hors de question ! Je me redressai et lui enfonçai mes pouces dans les yeux. La douleur et la terreur me rendaient fou. Je n’étais plus moi-même. J’appuyais de toutes mes forces, sentais ses globes oculaires rouler et éclater sous la pression. Le fauve se démenait dans mes bras, mais je le retenais fermement. Mon corps était coincé sous lui, mes mains occupées, je plongeai le visage dans son cou. Contre mes joues, je sentais la douceur de son pelage souillé de sang, la vigueur de ses muscles et le battement, entêté, enfiévré du sang dans son artère. Je ne sais ce qui m’a pris, poussé par une rage démente et aveugle, j’enfonçais mes dents dans sa fourrure, m’étouffant à moitié. Le loup rugit et rua violement. Je recrachai un morceau de chair, de poil et de sang mêlé et revint à la charge. Sous mes dents, contre ma langue, je sentis la texture ferme, élastique et rigide de son artère. Je devinais le sang qui coulait à gros bouillon à l’intérieur. Je mordis dedans, arrachant la mince paroi de l’artère. Un geyser de sang gicla m’éclaboussant. Le loup détalla en hurlant, puis s’effondra quelques mètres plus loin dans une mare de sang qui s’élargissait.
Je me relevai en titubant, incapable de comprendre se qui m’arrivait. Je trébuchai sur la carcasse de mon cheval. Alors toute l’atrocité de la scène m’apparu, je réalisai réellement pour la première fois à quelle point j’avais été proche de la Mort, à quelle point j’avais flirté dangereusement avec elle. Ma mortalité, son évidence me frappa de plein fouet. Je me relevai et m’enfuis en courant. Je courais au hasard, me cognant aux arbres, trébuchant sur les rochers, indifférent aux branches qui m’éraflant, à la douleur lancinante et cuisante de mon bras, aux battements affolés de mon cœur qui menaçait d’exploser dans ma poitrine. Je glissai sur les feuilles et m’écroulai à terre. Incapable de me relever, pratiquement inconscient, je me laissai aller vers les limbes de l’infini, aux frontières du réel, aux portes de la vie même…
Au dessus de moi, le ciel avait pris une teinte orangée, le soleil sanglant mourait à l’horizon, baigné d’or et de rosé. La forêt s’embrasait de mille feux dans la lumière du couchant, se consumait doucement, mourant lentement dans un brasier aveuglant. La voûte céleste se déclinait de l’azur au pourpre avant de plonger dans le néant noir de la nuit.
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Armand

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MessageSujet: Re: Armand   Armand Icon_minitimeJeu 12 Juil - 20:18

Je levai mes mains devant mes yeux. A la lumière de la lune, le sang qui les maculait paraissait noir, luisant. Je me mis à trembler. J’étais couvert du sang des loups se mêlant au mien, grièvement blessé et perdu en plein cœur de cette étouffante forêt par cette nuit fantasmagorique. Je me traînai péniblement vers la cascade qui chantait toute proche. Des yeux brillant me suivaient avant de s’évaporer dans la nuit. Je prenais douloureusement conscience de toute cette vie tapie dans les sous-bois, cette faune qui se délectait de mon agonie et qui n’attendait que mon renoncement pour goûter à ma chair… Je ne leur en laisserai pas le loisir.
L’eau ruisselait sur la mousse luisante et le roc, étincelante, et se transformait en une écume furieuse et bouillonnante, contrastant avec l’eau plate et calme de la rivière. A peine troublée par la chute d’eau, sa surface semblait polie comme un noir miroir. Je m’y vis, souillé de sang sombre. Mon cœur s’emballa à nouveau à l’évocation de ce terrible combat, de ma fin qui m’avait semblée si proche, si inévitable, fatale.
J’allais plonger mes mains dans l’eau glacée afin d’effacer cette infâme souillure lorsque j’aperçut une ombre par-dessus mon épaule. Je me retournai lentement et découvrir, adossé à un arbre et me contemplant avec une expression indéchiffrable, un jeune noble. Surpris de rencontrer quelqu'un à cette heure et en ce lieu, je voulu lui demander qui il était, si j’avais par inadvertance, pénétré dans son domaine. Pourtant quelque chose m’en empêcha. Un sentiment inexplicable et absurde me serrait les entrailles. Une terreur sourde, insidieuse mais néanmoins plus vive et aiguë que celle que m’avait inspirée les loups. Comme si la Mort se dressait devant moi et que, cette fois, je ne pouvais me défendre.
Les yeux de l’inconnu me fixaient, me transperçaient, semblant lire dans les tréfonds de mon âme. J’étais désemparé, à peine mieux lotie qu’un enfant devant ses pires cauchemars. Ses yeux luisaient anormalement, absorbant la lumière de la lune plutôt que de la refléter. Des yeux dont la couleur n’avaient rien d’humain. On y devinait une malveillance sans nom, une intelligence froide et calculatrice du Démon, mais aussi une… une faim monstrueuse, un désir pervers dont je faisais l’objet. Je tentai de me ressaisir. Les événements de la soirée m’avaient bouleversés, je perdais la raison. Je m’avançais vers cet homme, tendant la main pour implorer son aide. Il sourit, d’un sourire mauvais et cruel, sadique. Je me sentais pris au piège, à la merci de cette créature démoniaque. Je remarquai alors dans ma folie l’éclat de ses dents, qui tenaient plus du loup que de l’homme. De longues canines acérées et tranchantes. Je reculai, trébuchant sur les pierres. L’homme se redressa lentement et s’approcha nonchalamment de moi. Sa peau d’albâtre paraissait luire doucement, l’entourant d’un halo luminescent. Il ressemblait à un fantôme, une apparition contre-nature.
« Arrière suppôt de Satan ! » lui criai je, espérant que ma peur ne perçait pas dans ma voix.
Il haussa les paupières, amusé, son sourire s’élargit, dévoilant tout à fait ses crocs. Il rit doucement. Un rire étonnamment mélodieux et cristallin, contrastant avec l’horreur qu’il m’inspirait. Il se rapprocha encore, je voulu tirer mon épée et m’aperçu que je l’avais perdu durant mon combat contre les loups. Ce monstre, quel qu’il soit, se tenait à présent devant moi. Je fis un pas en arrière et faillit tomber dans la rivière. Lestement, il me rattrapa et m’attira contre lui. Je voulu me dégager mais sa force était insoupçonnable. Comparé à lui, je n’étais qu’un faible enfant. Son visage était à présent tout contre moi, sa peau était semblable à de la cire blanche et ses yeux, des puits noirs sans fonds dans lesquels brillait un brasier infernal. Doucement, il colla son visage contre le mien, je sentais à présent son parfum d’encens et de fleurs séchées évocateurs de tombeaux millénaires. Sa peau incroyablement douce et mortellement glacée me frôla la joue, ses longs cheveux sombres me chatouillaient le cou. Je tremblai de tout mon corps, incapable de le repousser. Il m’inspirait une horreur et un dégoût supérieurs aux loups. J’étais impuissant et ne pouvais rien faire sinon voir la Mort s’approcher inexorablement. Sa langue douce et agile lécha le sang qui maculait ma joue. Qu’était donc cette chose ? Je me pouvais le supporter. Je m’agitais et me débattais en vain, emprisonné par ses bras puissants. Il glissa sa main dans les cheveux et me caressa la nuque. Sa voix chaude et envoûtante, hypnotique retentit dans mon esprit sans qu’il cesse de lécher le sang sur ma peau. N’ai pas peur, calme toi. Tu ne connaîtras bientôt plus ni peur ni mal. Trouvant une ouverture, je le frappai de toutes mes forces. Il ne broncha même pas, je réitérai mon geste, à m’en déboîter les articulations des doigts. Lassé, il soupira, sa main cessa de cajoler ma nuque et empoigna mes cheveux pour me faire rejeter la tête en arrière. J’hoquetai de surprise, le souffle coupé. Il enfouit vivement sa tête dans le creux de mon épaule et mordit dans la chair tendre de ma gorge. Ses crocs me déchirèrent la chair, je voulu hurler mais seul un gargouillement étranglé sorti de ma gorge. Du sang remonta dans ma bouche, coulant entre mes lèvres entrouvertes. La tête rejetée en arrière, je m’étouffais dans mon propre sang, incapable de l’avaler ou de le recracher.
Mon corps entier me brûlait, je ressentais douloureusement le moindre de mes vaisseaux sanguins. Un feu liquide courait à l’intérieur et semblait attiré par ce point cuisant de ma gorge où le monstre buvait mon sang. Mon cœur enfiévré battait douloureusement, cherchant à pomper ce sang qui s’échappait hors de moi, entraînant ma vie avec lui. Ma poitrine me faisait mal, je sentais mon cœur cogner furieusement contre ma cage thoracique au point de pouvoir la briser. Mes jambes cédaient sous moi, je m’effondrai à bout de force. La créature diabolique me portait presque, avec la même aisance que si je n’étais qu’une vulgaire poupée de chiffon. C’est bien, détends toi. Accueille la Mort avec gratitude, elle te le rendra. Je cessai de m’agiter, plus parce que je n’en avais plus la force que par renoncement.
La douleur fit alors place à une douceur invraisemblable. Je ne sentais plus rien, je flottais dans un monde évanescent d’éther où plus rien n’existait. Chaque battement de mon cœur m’emplissait à présent d’une vague de plaisir et de bien-être. La douleur et la terreur s’étaient évaporées. Je me sentais si bien, si serein. Aussi paisible que dans la matrice maternelle, le rêve le plus doux. Etait-ce là le paradis ?
Non ! Je refusai de me laisser allez à la paix et la facilité du repos éternelle. Je ne veux pas mourir ! Jamais ! Reprenant brutalement conscience, je me redressai et frappai mon adversaire à la gorge. Le coup le surprit, il s’étrangla et me lâcha en me recrachant dessus le précieux sang qu’il m’avait volé. Je fis un vol plané et atterrit brutalement sur le sol. La paisible trêve s’était évanouie, ma souffrance me submergea à nouveau. Prostré contre la terre, je recrachai le sang qui m’étouffait, toussant à m’en arracher les poumons. Des bras m’encerclèrent le torse et me soulevèrent de terre. J’eu la présence d’esprit de saisir rapidement une pierre coupante avant basculer dans le vide. Je devinai son visage au dessus du mien et le frappa de plein fouet du tranchant de la pierre, lui ouvrant l’arcade sourcilière. Il m’attrapa le poignet, faisant gémir mes os, et le tordit jusqu'à ce que je lâche mon arme improvisée. Devant mes yeux incrédules, je vis la plaie que je lui avais infligée se refermer par enchantement. En quelques secondes, il n’en restait nulle trace, si ce n’était une goutte de sang qui roula le long de sa joue et qu’il balaya d’un coup de langue. Une lueur de fureur incendiait son regard et un rictus carnassier déforma ses traits. Sans plus me ménager, il arracha des lambeaux de chair de ma gorge et fixa ses lèvres à ma carotide pour en pomper le fluide vital. J’avais le visage plaqué entre son épaule et sa mâchoire, je ne voyais rien, ne pouvais pas esquisser le moindre geste. Cette fois, c’était la fin. Je ne pouvais rien faire sinon attendre que la Mort m’octroie son apaisant baiser. Je me laissai aller, tentant de faire abstraction de mon sang que je sentais être avalé par gorgée et pulsé dans les veines du monstre contre ma joue.
En un éclair, je me revis arracher la gorge du loup noir. Le même désir innommable s’empara de tout mon être, irrépressiblement. Cette soif perverse me tordit les entrailles et sans que ma volonté n’ait eu son mot à dire, je me vis avec horreur planter mes dents dans la gorge du monstre. Je n’étais plus moi-même, j’étais habité par une force plus puissante que ma volonté et ma raison : l’instinct de survie. N’étant pas pourvu de crocs, je dus arracher, lacérer, torturer sa chair avant d’en percer la peau. Enfin, j’atteignis la source sanglante, la fontaine de vie. Il rugit et planta ses longs ongles pointus dans mon dos, labourant ma chair pour me faire cesser. Mais je refusai de céder. Je vivrais à tout prix. Sa blessure commençait déjà à se refermer. Je fus contrains d’y planter mes dents pour l’empêcher de cicatriser et de tarir le flot sanglant qui s’en échappait. Le sang du démon envahit ma bouche, je me pouvais le recracher sans risquer de perdre ma prise. J’avalais donc, espérant que ce sang impur pouvait pallier au manque du mien. A ma grande surprise, ce sang chaud avait un goût d’extase, du meilleur nectar des anges. Contre mon gré, j’aspirai avidement ce liquide si savoureux et si intense alors que mon esprit criait en moi de me pas me laisser tenter par le fruit du pécher, par le sang avilit du Diable et de ses démons. Je sentais une force nouvelle et sans limite m’investir au fur et à mesure que je buvais. Ma souffrance laissa place à un plaisir surpassant tout ce que j’avais pu imaginer dans mes rêves les plus fous. Le sang me transcendait, magnifiait tout autour de moi. Des gerbes de couleurs éclatantes explosaient devant mes yeux, enivrant mes sens. Le démon tentait de m’écarter de la source de son sang, mais revigoré par sa puissance et par le désir incontrôlable d’en boire encore et toujours plus, je lui résistai. Nous luttions ensemble, reliés par nos sangs se mêlant et passant de l’un à autre. Ma soif semblait inassouvissable, rendu fou par la jouissance de ce sang, je plongeai ma main dans la poitrine du démon. Il hurla, s’arrachant à mon étreinte et tomba à la renverse. Complètement dément, je me jeta sur lui et le plaqua au sol. Il tentait de me mordre et de me griffer, mais j’avais l’avantage. Fébrilement, je lui ouvris la poitrine de mes mains sans remarquer à quel point mes ongles avaient poussés et étaient durs et tranchants. Je lui arrachais le cœur de la poitrine et contempla, extatique, le muscle qui battait frénétiquement dans mes mains. Le monstre hurla, ses yeux roulèrent dans ses orbites tandis qu’il tentait de récupérer son organe. Possédé par cette force étrangère, je mordis à pleines dents dans son cœur battant. La membrane rigide céda sous mes crocs acérés. Aussitôt, un flot de sang envahit ma bouche. Une passion indescriptible embrasa mon âme, un océan de plaisir engloutit mes sens.
Je ne sais combien de temps je restai à sucer le morceau de chair flasque, l’asséchant jusqu'à la dernière goutte, avant de me rendre compte de ce que j’avais fait. La panique m’envahit à nouveau. Je ne comprenais pas ce qui c’était passé. Cela me semblait tellement absurde, ce ne pouvait être qu’un cauchemar abominable inspiré par le Malin suite à ma chasse aux loups. Cependant, le corps gisant du démon me ramena à l’atroce vérité.
Une alouette chanta joyeusement, indifférente aux horreurs de la nuit. Le soleil se leva à l’horizon, chassant les ombres. Je priais pour qu’il purifie aussi cette forêt maudite. Lorsque les premiers rayons percèrent à travers les feuillages, éclairant le corps sans vie du démon, celui-ci se consuma, partant en fumée. A cet instant, une douleur abominable, cuisante, se fit ressentir dans ma chair. Ma peau commençait à fumer et à s’évaporer. Je me mis à courir, protégé du soleil destructeur par les sous-bois luxuriant. Trouvant une caverne abritée, je m’y engouffrai et sombrai dans un profond sommeil semblable à la mort.

Je m’éveillai à la tombé de la nuit. Bien que de gros nuages noirs voilaient le ciel, j’y voyais comme en plein jour. Et mieux encore, ma vue s’était affûtée, plus perçante. Je distinguais de minuscules et subtils détails au loin. Les êtres vivants semblaient entourés d’une aura lumineuse qui me les rendait aussi visibles que des bougies dans la nuit. Je voyais différemment, comme si j’avais pris conscience d’autres couleurs, d’autres dimensions, je ne pouvais l’expliquer. De même, mon ouïe c’était affinée, j’étendais distinctement les plus petits murmures de la forêt, jusqu’au trottinement d’une souris à une lieu de là, et même, si je tendais l’oreille, les chuchotements des paysans du village à l’orée de la forêt, à moins qu’ils ne s’agissent de leurs pensées, mais je ne pouvais pas encore le jurer. Je sentais également les milles senteurs de la forêt, le parfum enivrant des plantes, l’odeur de la nuit tout entière, discernant chacune de ses composantes. Je me sentais plus fort, capable d’accomplir des prouesses inimaginables. Je remarquai également que mes blessures avaient disparus, ma peau était vierge de toute cicatrice, blanche et lisse comme celle du démon. Je réalisai alors que j’avais bu son sang impur, que j’étais moi aussi damné pour l’éternité, chassé du royaume de Dieu et de sa miséricorde. J’avais refusé de mourir au prix de mon âme, j’allais à présent errer pour l’éternité, ni mort, ni vivant. Une vie maudite.
Et le prix à payer pour satisfaire la Mort était pire encore. Je le compris très vite, lorsqu’une faim insidieuse s’insinua en moi, d’abord sourde, puis plus vive avant de devenir insoutenable. Aucun fruit de la forêt ne la comblait, au contraire, ils me rendaient malade et je les vomissais immédiatement, rendant la faim plus insupportable encore. Je dus me rendre à l’évidence, seul le sang satisfaisait cette faim contre-nature. Du sang humain. Une vie en échange de la mienne. Même si son goût me comblait, incomparable aux mets terrestres, ce que cela impliquait me torturait. Peu à peu, j’appris à utiliser mes pouvoirs extraordinaires, à me satisfaire de cette vie ignominieuse, mais jamais je n’ai vraiment pu m’habituer à tuer.
Depuis cette nuit maudite, je parcours le monde et les âges, j’ai rencontré d’autres immortels et j’ai appris à jouir de l’éternité. Je suis devenu un puissant Maître Vampire, un Seigneur de la Nuit craint et respecté.
Par cette nuit sans lune, je me suis installé dans cette contrée où je vous ai rencontré. Je compte m’y installer quelques temps. Voici donc comment je suis né au monde des Ténèbres. J’espère que nous passerons un agréable lambeau d’éternité ensemble. Il est si rare de croiser d’autres immortels de nos jours. Soyons amis et égayons ensemble la nuit. Mais si vous tentez de me détruire, je vous enverrai en Enfer cracher pour moi à la figure du Diable, car je ne veux pas mourir. JAMAIS !
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Armand
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